samedi 14 mars 2009

Journal du Monde n°15 : Dis-moi ce que tu manges et je te dirai ce que tu es


Rôti de veau au menu, c’est Nicolas qui invite Angela. On ne se perd pas dans l’originalité d’un plat trop traditionnel : souci de « communication interculturelle ». Car « le comportement à table, l’accueil réservé à la nourriture étrangère, peuvent influer, le cas échéant, sur les relations futures ». Le code alimentaire est un agent de socialisation fondamental.

Ainsi, « se profile en toile de fond, du côté français des stéréotypes alliant la nourriture allemande à l’hyperphagie, à l’excès et aux mœurs peu raffinées […] tandis que l’on associe, du côté allemand, à l’alimentation française un raffinement exagéré ». Quand deux extrêmes se touchent, il y a matière à observer. Dans un cadre étudiant (puisque j’étudie), j’étais amenée à boucler un projet comparant deux 24 décembre dans les deux pays que je présente. L’intégrisme des clichés s’y vérifiait : la profusion alimentaire a laissé aux Français huit heures de dégustation, l’homologue européen s’est suffit de trois Speisen pour cent vingt minutes. Le premier s’attarde au repas quand le deuxième est plus cursif. Pourtant, en 2005, l’obésité touche 9,4% de la populace française et le pourcentage est plus que doublé dans notre pays voisin. Je mise pour cause la soupe grasse et la viande abondante.

« Toute culture est ethnocentrique en son essence puisqu’elle juge les autres toujours sur la toile de son propre système de valeur. » Je m’y colle aussi. Witzenmann Sachsen (je nomme la société) se réjouit du vendredi parce que c’est la fin de la semaine et parce que, passées les huit heures matinales, elle apprécie sa culture nationale. Pause petit déjeuner, je suis polie et j’absorbe ce qui m’est proposé ; je ne suis pas fan de l’escargot et n’oublie pas non plus Forêt Noire et Saucisse de Francfort – qui sont délectables – mais j’ai toutefois du mal à m’adapter au Hackepeter et autre Speckfett et davantage lorsque ma journée est à peine entamée. Tartine de viande crue cuisinée aux oignons et lait caillé aux céréales, je respecte leur appétit. On me proposait, à la même heure de la semaine passée, une viande panée farcie aux oignons et lourde à digérer. Dans un cadre plus privé, on m’offrait un pain noir aux céréales qui asséchait la longueur de mon tube digestif. La fascination est réciproque lorsque notre baguette nationale dégorge de café ou que l’œuf liquide l’imbibe.

La cuisine française se fait une réputation mondiale ; la nouvelle prend de l’âge. Hexagone, Terre d’élection du bien-manger d’où les meilleurs profitent de la Globalisation pour exporter et faire (re)connaître ce qu’ils savent préparer. La chaire animale est aussi prisée : en 2008, Michelin l’ingénieur range l’Allemagne seulement un brin derrière la France. « La gastronomie allemande présente un fort caractère culturel ». Mais quand les sondages sont plus populaires, la dernière disparait : je ne la trouve classée dans aucune enquête.

On a, de la sorte, tous facilité à associer paëlla, pizza et moussaka à un terroir souche. Cliché je m’en fais, la France cuisine la grenouille, l’Allemagne la charcuterie. « Mais il ne suffit pas de connaître les aliments ou les plats de la culture étrangère, encore faut-il apprécier et évaluer leur valeur symbolique ».

Moi j’avale et me fiche des bonnes manières. Moïse voudrait que l’on mange à la sueur de notre front. Celle-ci me donne plus de soif que d'appétit. Il faudrait que la terre entière mange à sa faim, le plaisir est colossal.

Céline

1 commentaire:

Coco a dit…

Le contenu de l'assiette n'est pas l'unique spécificité culturelle. Des amis anglais et japonais m'ont fait remarquer que nous français, commentons ce que nous mangeons : "C'est trop cuit ou pas assez. L'assaisonnement est bon, la viande est tendre...etc", alors que d'autres se contentent d'avaler et de digérer.