samedi 13 décembre 2008

Journal du Monde n°7 : « Noël n’est pas un jour ni une saison, c’est un état d’esprit » (Calvin Coolidge).


Sait-on parfaitement ce qu’est l’état d’esprit ? On me demandait de donner une définition française de l’ «esprit». Je m’en suis tristement trouvée incapable. J’eu la seule capacité de parler du «simple d’esprit» et de «l’ouvert d’esprit». Michel Agar parle de "Richpoints". La manière d’être de l’esprit ; oder was ? Que d’équivalents. L’esprit allemand, c’est l’intellect, le jugement, la subtilité, la finesse, la signification, le caractère, la capacité, la façon de pensée, l’envie, la tête ; et j’en passe et des meilleurs. Les synonymes sont semblables.

Zwickau et l’Allemagne entière, je crois, en est imprégnée. Samedi 13 décembre. La température ne dépasse nulle part le seul degré et l’intégralité de l’est allemand est couvert de neige ; les arbres aussi. La dite météo me réconforte dans mes visites du Weihnachtsmarkt, puisque je le trouve bien plus prodigieux quand il est blanc et transis. Aucun bâtiment ne manque d’éclat et les Weihnachtsmänner sont partout. La convivialité du Glühwein en est tout aussi traditionnelle, remplit le cinquième des stands et pour cause, elle réchauffe et c’est délectable. Certains, ce n’est que mon point du vue, en font trop. Mais ils sont toujours les mêmes et ne sont heureusement pas si nombreux. Quand ils proposent un déplacement qui n’est pas pour me déplaire – direction Dresde puis Leipzig, c’est (uniquement) pour boire, puisque je ne puis oser parler de dégustation. Emettons l’hypothèse que le goût soit différent ! Préjudice, mais je ne pouvais de toute façon que m’y attendre ; sotte. Je ne les trouve pas plaisants ; mais ils ne sont pas ma vie. Bref.

J’avais eu, dans la capitale suédoise, un premier aperçu de cet état d’esprit ; je ne parle pas du leur, à ces précédents, mais bien de celui du véritable Noël qui fait croire à l’enfant qu’avec le sapin et trois flocons, la terre entière est changée. Et quel aperçu. L’endroit est cher mais admirable ; je ne parle pas (ou plus) anglais et la relève de la garde est désaccordée, mais quand bien même. L’hiver, la nuit y tombe autant que la neige. Il fait froid mais ça ragaillardit. L’eau l’envahit. 1998 : capitale européenne de la culture, j’y crois et je supporte. Les quatorze îles m’enchantent.

J’ai envie de croire que la saison reste passionnelle même quand le Père-Noël nous apparaît inexistant. Il me semble que Décembre est familial. Le retour dans mon Heimat approche ; retour à certaines sources, à des parents, des sœurs, des beaufs, des meufs ; retour à une langue qui ne doit pas me faire perdre ma nouvelle élocution. Je n’étais pas hâtive mais les jours avancent et je les compte maintenant. Ils seront chargés et je ne veux rien perdre. On va s’fendre la poire !

Paris, attends-moi ; je ne suis pas sûre d’y revivre.

Céline

mercredi 19 novembre 2008

Journal du Monde n°6 : Heureux, les simples d’esprit ?


Vient un temps où la responsabilité adulte devient obligatoire. Celle à l’image de l’éducateur est-elle forcée ? Je me pose la question quand, à l’image du paternel, je viens à monologuer (parfois sans silence) quand je fais les courses et quand, à celle de la mère, je viens à détailler le centime près. Mais quand bien même, il me semble que l’on garde toujours ses propres habitudes puisque, même quand, ici, la pratique s’y fait rare, je ne puis m’empêcher de trouver chaussure à mon pied ; oublions le sens figuré. J’eu, par ailleurs, la veine d’adorer un breuvage typiquement allemand et pas autre chose car l’infime de son prix me permit de ne pas devoir faire face à la frustration ; notez un tiers d’euro le bon demi-litre. Le doute est inexistant : j’apprécie ! D’ailleurs, le « Heimatweh » que j’avais redouté ne m’atteint pas, ou pas encore ; mais mon départ a maintenant deux mois et on ne m’en avait promis qu’un avant le mal du pays.

C’est que l’ennui se fait (trop) rare. Deux semaines de non repos qui favorisent encore et toujours la rencontre et/ou l’approfondissement dans la connaissance ; et qui éreintent aussi, peut-être. Mais le mal n’est pas là puisque ce ne put qu’être bénéfique pour l’anciennement nouveau parler. Son avancement dépend, je crois, de la facilité mais surtout de la personne. Et je m’efforce au progrès par la communication. Puisque celle-ci n’est pas toujours facile, le sourire – « langage universel de la bonté » - reste la meilleure attaque. Je dis « pas toujours facile » car tu ne peux, malgré tout, pas discuter de tout quand tu n’as pas les mots exacts et que, quand tu passes ton temps à faire la bringue, tu finis par n’avoir plus grand-chose de très captivant à relater. L’intégration dans le pays, paraît-il (et je le crois) se fait non pas seulement par la maitrise du langage local et par la consommation de l’alimentation nationale, mais aussi par l’investissement dans l’actualité du pays d’accueil. Le détail me fait défaut mais il est difficile à accomplir lorsque la télé – que, de toute façon, je n’approuve pas spécialement – est inexistante et que le média papier – savant – est ardu à consulter.

Il n’y a pas qu’avec l’interlocuteur qu’il devient difficile de trouver matière à converser puisque le verbe me déshérite maintenant. Non pas que je sois particulièrement érudite, mais je deviens bientôt dénuée de quelconque intelligence ; ça s’appelle devenir abruti aussi. Certains (je nomme Vian sans le dénoncer) pensent que "mieux vaudrait apprendre à faire l'amour correctement que de s'abrutir sur un livre d'histoire". Les mots ne me rassurent pas franchement puisque j’ai la belle impression que le savoir est indispensable quand il s’agit de faire l’amour. Au sens étymologique, ça s’appelle effectivement fabriquer un agréable sentiment ; et la connerie n’attire pas l’Homme intelligent, ou alors il la baise.

Je profite plus que jamais et m’amuse tout de même. Mais la ressource devient nécessaire. J’étais à Karlsbad. Je pars à Stockholm.

Céline

dimanche 19 octobre 2008

Journal du Monde n°5 : « Celui qui ne connaît pas les langues étrangères ne connaît rien de sa propre langue » (Johann Wolfgang von Goethe)


Je me range de son côté. Comparer sa culture à celle d’un autre, c’est aussi comparer les mots. Il en existe dans certaines langues, pas dans d’autres : le fait met l’accent sur l’habitude de vie. Là où le français n’en a qu’un, la langue de Goethe pose deux verbes pour désigner la culture : Bildung – culture générale – et Kultur – marque du peuple. J’ai l’impression que la distinction n’est pas superflue puisque le mot a une importance apparemment fondamentale pour l’habitant. L’étudiant que j’ai appris à connaître (kennenlernen, tout attaché) attache effectivement un intérêt plus régulier à cette connaissance générale qui, je pense, devrait être universelle. La séduction de l’actif passe par la visite de la ville (parfaitement connue) à vélo, par l’examen d’une galerie d’art, par une excursion dans un parc animalier, par la fréquentation d’une bibliothèque ; et par des bières et un concert pour finaliser la journée. L’allemand de la Française est en plus, paraît-il, séduisant ; même (ou surtout) quand il est aussi faible que celui que je formule. Alors j’en fais marcher le relationnel, ça fait avancer le progrès. Le mien tout au moins.

Mais je ne suis pas la seule. Claude Gagnière : « Un Homme qui parle trois langues est trilingue. Un Homme qui parle deux langues est bilingue. Un Homme qui ne parle qu’une seule langue est Anglais. » Ou Français. Je confirme l’idée que je m’étais déjà faite : celui qui a été à l’école française traditionnelle ne connaît rien de la langue étrangère, ou les bases de la politesse seulement ; un peu de respect. C’est à la limite du déshonorant lorsque celui-ci se mélange à d’autres nationalités. L’Allemand, entre autre, en parle deux ; voire plus. Et quand il utilise le parler qui n’est pas celui de sa mère, il n’use pas de son intonation. Le fait est davantage remarquable lorsque mes collègues de langue, majoritairement, favorisent leur dialogue maternel plutôt que l’assortiment interculturel. Bien malheureusement puisque je trouve l’expérience plus qu’enrichissante.
Outre le langage, c’est la façon de vivre qui devient captivante. Jeudi 7:30, vendredi 13:30, frau Fetscher ou la communication interculturelle. Quant il s’agit de se saluer, le Français ne fait que peu de distinctions entre le sexe, le degré relationnel et l’âge de son locuteur. Il est rare. Ici, on sert se sert la main entre fille et garçon et/ou si on se connaît peu ou prou. Deux amies se serrent dans les bras et deux amis presque également. On ne se fait toutefois pas la bise ; d’ailleurs il n’y pas de translation possible pour cette dernière puisqu’ici, elle est atypique.

Enfin, la gastronomie française est présente dans beaucoup de rayons. Elle reste tout de même une lacune dans ma nouvelle vie. Il faut que je m’habitue au très moyennement raffiné du repas allemand ou que je propose à mes
Kommilitonen (problème de traduction, encore) de leur cuisiner de l’exquis hexagonal. Nous l’avons expérimenté à la ratatouille, au gratin dauphinois et au « vrai » porc chinois sucré. J’ai été comblée et nous le perpétuerons.

Que du bon.

Céline

mercredi 1 octobre 2008

Journal du Monde n°4 – Voyage au centre de la Terre


Septembre ou la défaite de l’immensité bavaroise. Werder Bremen l’éclate à cinq contre deux à l’Olympiastadion München – les animaux ont bien fait leur musique, merci Grimm. Le Christlich-Soziale Union de madame Merkel perd de son monument vieux de 46 ans avec seulement 43% de suffrage aux élections (-17 points) – ciao Jésus, bonjour la Science. Oktoberfest n’est pas finie.

Celui qui n’est pas Français a une attraction particulière pour la capitale de mon Heimat. Place des Vosges, 10 000 € le mètre carré ; évaluée à l’échelle européenne, la rétribution du Français est élevée, trop selon certains. Ils savent que l’on mange des escargots et m’annoncent avec fierté qu’ils savent articuler qu’ils sont malades avec une intonation que je prise. Nous avons la réputation de n’absorber que la principale issue de la vigne et tous me demandent pour quel prix ; ma Mitbewohnerin en fait une présentation et je coopère. Le Chinois voit le peuple comme l’apogée du romantisme et tous veulent y passer leur voyage de noce qui, pour le verbe allemand, est le culminant de la vie. On me dit que le football bleu et blanc n’est plus rien sans Zinedine. La politique, quand elle ne concerne pas l’habitant, n’intéresse que peu mais tous connaissent notre auguste pilote hexagonal parce que, parait-il, il est déloyal. Ils s’égayent finalement d’une possible réception ; destination Paris Orly.

J’opte pour le Nord du Nord ; pour la culture qui veut la neige après la vapeur. Le pays où l’hiver ne connaît que la nuit. Non pas que le Père Noël m’excite mais que le renne est majestueux et que le -40°C hivernal fortifie ; que le pays est lauréat en terme de pédagogie et, ce n’est pas sans lien, en terme d’économie. Je découvrirai ainsi le jour de la poursuite animal où, à l’entracte, on pêche le liquide fluvial pour le chauffer au feu de bois. L’été, je dormirai à la lumière puisque je n’aurai d’autre alternative. Bienvenue en Finlande.

Le joueur de Pesäpallo dispose outrement, à lui tout seul, de quatre hectares de futaie quand le seul kilomètre carré chinois est estimé à cent quarante occupants. Mais le dernier n’en reste pas moins affable puisqu’il me dédie une partie de sa culture quand je lui rends service ; maintenant, je bois son thé. Et quand on lui demande d’élire un dicton, il vote « Freundschaft » ; alors il évoque l’esprit de l’essaim que nous édifions. C’est la béatitude.

Bitte gib mir noch ein Wort et parlons zusammen.

Céline

mercredi 24 septembre 2008

Journal du Monde n°3 – Deutschekurs auf Deutschesprache



Ich bin müde !

On doit parfois se lever tôt pour aller travailler. La dernière fois, c’était il y a plus de 80 jours : presque le temps de faire le tour du Monde (mais non). La dernière fois, c’était pour parler français.

Aujourd’hui, on m’a imposé cette langue qui n’est pas si laide. Le Français qui estime l’anglais imagine toujours « l’allemand de Hitler » ; mais ce qu’est celui-ci à « celui de Goethe [n’est que] une perversion immonde aux consonances de baffes dans la gueule » (Amélie Nothomb, Biographie de la faim). J’ai entendu celui de Goethe aujourd’hui, avec des gens qui rient et qui se parlent pour échanger. Hitler, lui, ne riait pas, ou alors contre l’humanité entière, ou alors jaune en 45. Et il n’échangeait pas, il infligeait à autrui ses paroles, ses idées et sa moustache.

Admettons que l’allemand n’ait pas la musicalité de l’italien, l’universalité de l’anglais ni, pour certains, la beauté de l’espagnol (chacun son avis). Mais admettons aussi que l’allemand puisse ne pas être désagréable à entendre. Nous ne ferons aucune psychologie possiblement explicative puisque bien des ouvrages s’y sont mis à l’essai – et je les dévore – mais nous nous accorderons tous pour coter Adolph Hitler comme l’un des êtres les plus dérangés que l’Humanité ait pu connaître. Ma « Mitbewohnerin » m’a posé cette question qui m’a quelque peu dérangée : elle me demandait si le je que je suis – pronom que je me permets de généraliser au rang d’étudiant français – avait idée de la séparation Est/Ouest allemande qui avait existée et qui persiste encore. Aber natürlich ! Qui, sauf celui qui n’est pas instruit et pour qui la faute n’est pas toujours personnelle, ose ne pas connaître cette Histoire qui, d’un point de vue de la linguistique, avait amené un Monde à constamment réduire un parler en une bonne efficacité en matière de dressage de chiens.

L’Histoire a ainsi, je crois, amené un peuple à ne pas franchement affectionner la langue germanique. Je trouve le fait dommage mais la pluralité des nationalités que je rencontrais ce jour me faisait sourire. J’étais davantage étonnée de m’apercevoir que le chinois éclatait (encore une fois) tous les records. Il était largement majoritaire en matière d’effectif : il représentait en ce lieu presque 14 % de la masse étrangère, contre moins de 3% pour l’hexagonal. Aber warum kommt der Chinese nach Deutschland? Je viendrai à le lui demander quand je commencerai à saisir son dialecte. Assis autour d’une table, on reconnait le chinois à sa gourde car elle est sophistiquée, à son dictionnaire car il est électronique et on reconnait le chinois à son allemand qui n’en est pas un ; Raum II 278 ou Babel : à priori, c’est l’allemand que l’on tente tous. Mais j’ai du mal à y croire ; et Dieu multiplia les langues afin que les Hommes ne se comprissent plus. Et les Hommes se dispersèrent. Et les cultures se développèrent. Le Kirghize vouvoie ses parents, le Tchèque achète entre minuit et huit, l’Espagnol a quelques cheveux qui tombent sur la nuque, la présence de l’Egyptien me surprend, l’Ukrainien est polyglotte, le Hongrois oublie le [r], le Finlandais n’a pas froid, le Français se plaint ; et moi, je m’amuse à l’audition du multiculturel. C’est aussi le jeu de l’international où la compréhension mutuelle s’avère difficile ; mais elle me fait plaisir et s’estompera avec les jours. En attendant, il me semble que l’intensivité de l’instruction n’est pas franchement inutile. Et elle est fatiguante : ach so, le verbe me déshérite.

Bis bald

Céline