jeudi 26 mars 2009

Journal du Monde n°17 : die Berliner Mauer

Des semaines que je veux m’y coller mais que facteurs m’en empêchent. Je crois que, sans s’être assez documenté, aucun ne peut exposer des faits si importants qui ont marqué l’intégralité d’un peuple et d’une Nation. J’entends par « pouvoir » capacité et respect. Je me pose effectivement toujours la question de savoir ce que pensent les véritables concernés de voir et/ou d’entendre ceux qui relatent des faits qu’ils ne connaissent qu’à travers documentation plus ou mois réaliste. L’Histoire est longue et elle me passionne. L’Homme veut voir et la curiosité dynamise l’esprit humain. On ne peut pas ne pas en parler, c’est la « mémoire d’un peuple » mais je ne sais pas si le fait est pervers.

J’éprouve un rejet particulier pour toute forme de patriotisme et mon voisin qui crie la Marseillaise ou brandit son drapeau national me met mal à l’aise. A plus grande échelle, celui-ci (de patriotisme) mène à du mauvais. On peut le prendre comme une forme de xénophobie et, au minimum, il laisse ainsi en arrière celui qui ne partage pas l’opinion ou qui a les couilles de manifester quelconque autre valeur. Deux patriotiques sont ainsi et automatiquement menés à devoir combattre l’un contre l’autre. Je me pose la question de savoir ce qui mène un citoyen à tant adorer sa Nation.

Il n’est pas sans raison de pouvoir comparer croyance religieuse et croyance politique. Le premier laisse à croire en l’autorité du passé, le deuxième en celle du futur. Mais les deux laissent à croire qu’une autorité abstraite puisse faire le bien et donc le mal, puisque l’un induit l’autre. Et dans l’un comme dans l’autre, il y a l’extrême intégrisme. Le problème de la RDA et de tout ce que ca comporte fut tel que le système n’échoua pas suffisamment pour s’écrouler de lui-même et qu’il ne réussît pas assez non plus pour entrainer l’adhésion complète de la population. Certains y ont effectivement et malgré tout consenti, par conviction ou obligation, puisque la particularité de cette dictature fut telle que l’opinion publique ne put s’exprimer même en privé (Anna Funder parle de Stasiland). La dictature est ainsi possessive intégriste en ce sens qu’elle n’accepte pas que l’on puisse ne pas l’aimer. J’en vois là une forme claire de « complexe d’infériorité » et, de manière générale, celui-là même qui a ce complexe ne trouve qu’une forme agressive de protection : le pouvoir par la force quand il s’agit de défendre une idéologie. L’emploi de la force n’étant qu’une alternative à la persuasion par les mots lorsque celle-ci est un point faible (soit qu’on soit mauvais avocat, soit qu’il n’y ait pas d’argument aucun), je ne vois d’autre conclusion que d’affirmer que le système fut mauvais, dans ses causes comme dans ses conséquences, dans ses moyens comme dans ses fins.

C’est ainsi que, en l’été 1961, à la dispersion d’une rumeur plus ou mois (in)fondée concernant le renforcement du complexe, quelques jeunes à la culture prononcée (puisque les autres ne reçurent pas l’information) fuyaient leur Heimat (ou pas) est-allemand pour rejoindre le Monde occidental et tout ce que ça comporte. C’est l’ « Abstimmung mit den Füssen » (le vote avec les pieds). Ce qui, dans le fait, gêna les socialistes était, non pas seulement la fuite, mais le fait que leur Monde se vidait de savants donc de savoir et que sa toute puissance se décrédibilisait ainsi. Sans en aviser le moindre habitant, elle clarifiait donc le problème et construisait le Berliner Mauer, retirant quelconque liberté à tout un peuple désormais coupé du monde démocratique et, par manque de chatte, à une partie de sa vie. Cette « solution peu élégante mais mille fois préférable à la guerre » faisait aussitôt s’apparenter le bloc soviétique « à une vaste prison dans laquelle les dirigeants étaient obligés d’enfermer des citoyens qui n’avaient qu’une idée : fuir » ; seuls l’étranger, le diplomate et le prisonnier franchissaient Checkpoint Charlie (Alpha et Bravo – la Stasi a des mots de passe).

« Le socialisme est comme la morphine : on en prend d'abord par curiosité, pour adoucir une légère douleur, et fatalement, on augmente la dose » (anonyme). Fut-ce la dose trop augmentée que la licence était désormais livrée aux mains de malades mentaux, de mégalomanes, de méchants, de malhonnêtes qui allaient au bout de leur folie, de leur mégalomanie, de leur méchanceté, de leur malhonnêteté (dixit Amouroux) ; je nomme Schild und Schwert der Partei – le bouclier et l’épée du Parti, les sieurs la Stasi. Ainsi le vivant ne pouvait bien cohabiter plus que s’il était partisan et qu’il l’illustrait par la carte et la bonne parole – attention au faux pas. Orwell avait initié la chose « mais sans ces détails si concrets qu’ils en deviennent irréels » : la Stasi was watching [and hearing] you, en pire. Et la Stasi t’embauchait si tu la dupais. Et la Stasi te tuait si tu la franchissais. On ne trompe pas la Stasi.

Ainsi, lorsque « la nécessité est la mère de l’invention » (Platon) et que la fuite devient indispensable, l’être humain sait faire preuve d’imagination. C’est au péril de leur vie mais parfois bien astucieusement que les habitants de la République Démocratique Allemande (il faut revoir la définition) fuyaient la région : pouvoir librement étudier pour travailler sans devoir adhérer à de mauvaises idées. Et le fait dura. Vingt-huit ans. Se dissimula lorsque certains Hommes de pouvoir s’apercevaient que le Monde évoluait et que la liberté – celle de vivre et d’opinion – est un droit fondamental. Les pays de l’est ouvraient leurs portes et la RDA se vidait par million par le train de la liberté – der Zug der Freiheit. « Le mur de protection anti fasciste » n’avait plus d’autre choix que de s’écrouler, das war die Wende. La BDR leur restait étrangère et le Monde libre les heurtait : « ils n’avaient pas encore admis que s’effondraient les certitudes austères auxquelles ils avaient jusque ce jour consenti ». Mais c’était, disent-ils, le peuple le plus heureux du Monde.

Il y a cette sorte de ressenti qui existe encore. On me disait qu’il n’était pas simple d’accepter que ses enfants partent à l’ouest. « Klar bin ich eine Ost-Frau », celles-ci travaillent plus et plus longtemps que leurs voisines occidentales. C’est une étrange histoire et j’ai encore à savoir.

Ich bin noch kein Berliner.

Céline



mardi 24 mars 2009

Journal du Monde n°16 : « il faut pas jouer le riche quand on n’a pas le sou »


Europe 1 Matin dit qu’il faudrait aussi penser à récompenser ceux qui travaillent plutôt que ceux qui prennent des risques. Thierry Morin fait perdre deux cent sept millions, s’en laisse publiquement accorder dix neuf, s’en prend personnellement plus de trois puis laisse à la rue à peine mille six cent unités qui ne sont qu’un peuple qui n’a ainsi plus rien à faire et donc à gagner. La « divergence stratégique » rapporte, egal wie, egal wann, egal wer. Non pas par éthique mais pour la bonne image du gros patronat qui se casse la gueule, la Société Générale ne suit pas le mouvement. Jean-Jules Richard a vu presque bon, « l’appât du gain n’a pas de limites ».

Je ne suis pas certaine que l’argent fasse le bonheur mais reste persuadée qu’il fasse la différence quand il permet de profiter de la vie et que le manque d’argent devient plus important que l’argent lui-même.
Je ne sais pas parfaitement ce que sont les critères qui fabriquent le bonheur : ils sont extrêmement subjectifs, je crois. Problème est que, de la même manière que l’argent produit l’argent, c’est le fait d’être heureux qui rend heureux. Alors le cercle devient vicieux ou vertueux, c’est selon : il faut avoir la chance et/ou les couilles de prendre un bon départ. Il parait que c’est le jouir et non le posséder qui rend heureux ; encore faut-il posséder pour pouvoir jouir. Et il y a des choses qu’on ne possède pas sans argent, soit parce que – directement ou indirectement - elles valent de l’or, soit parce que ce(lui) qui en permet la jouissance ne veut pas de pauvreté.
Le cercle est encore vicieux quand, quoi qu’on en dise, l’argent permet l’accès à l’éducation. Certains disent que celle-ci est une parure pour les bienheureux et un refuge pour les autres ; egal. Je passe outre musées gratuits, bibliothèques pas chères et bourses étudiantes car l’accès facile à la culture reste quand bien même facilité – si ce n’est conditionné – par la couleur du compte en banque : le livre est couteux et la bonne école aussi. Le prêt existe bien mais le banquier n’aime pas le gens pauvre car il est risqué.

Le PIB qui mesure la richesse est augmenté de plus de sept fois dans notre capitale par rapport à la Saxe est-allemande. Un individu qui, à 7h30 tous les matins, partage mon wagon, me fait de la peine : il n’est pas à la rue mais la pauvreté l’affaiblit et son visage attendrit. J’en discutais avec mon gens bavarois, sa théorie est classique et explique que l’argent ne fait ni le bonheur, ni le goût d’ailleurs. Il en profitait pour gazer la richesse de son pays qui se croit importante et bien sapée quand elle assortit mal ou pas du tout une veste et un pantalon qui valent à eux seuls plus du salaire mensuel que certains s’acharnent à gagner pour survivre.

Celui qui n’a pas d’argent et qui, par le fait (je ne synonyme pas) est malheureux, compense et s’invente un Monde. J’en vois qui s’alcoolisent, d’autres qui soupçonnent la peau Noire comme étant la cause d’un mal être planétaire. Certains, par leurs costumes quotidiens, se croient au Texas dans une ville trop humide à l’architecture europe-de-l’est-urbanisée.

Celui-là même avec qui je discutais profite de la vie comme bon nous semble : je partage sa perception des choses. Il ne sait pas ou plus la privation et, passées soixante douze heures avec lui, je me dis que l’argent, celui que l’on possède, est bon car libérateur. Celui que l’on pourchasse est toutefois mauvais car esclavageur. C’est, je crois, la raison pour laquelle l’argent reste l’unique sujet m’étant incommodant lorsque je ne connais pas la définition que donne mon interlocuteur à ce mot que je ne réclame jamais : car celui qui paye a ma perception, l’autre est plus pauvre ou plus con. S’il est pauvre je partage, s’il est con il le reste.

Des Parisiens que j’eu connus me dissertaient que la somme de l’argent gagné (ou pas) amène automatiquement à un parti politique : le nécessiteux vote Links, le fortuné vote Recht. C'est effectivement un fait général. L’Allemagne est encore marquée par son passé : la Gauche gagne 25% à l’Est et 5% à l’Ouest. Pour la seule ville de Paris, le schéma était le même en 2007. Mon bavarois fortuné qui sut pourtant la pauvreté de l’ancien communisme polonais est (devenu) capitaliste libéral. Choses ainsi vues, il me semble alors que la politique n’est plus de la raison ou alors de la raison personnelle : de l’irrationalité égoïste. Ich weiss nicht, ob wir dafür sein sollen.

Je ne fais pas de politique, remarque seulement que l’injustice fait la diversité du Monde. Que le pauvre peut aisément critiquer la richesse sans l'être soi-même en retour et que la réciproque est fausse.

Céline

samedi 14 mars 2009

Journal du Monde n°15 : Dis-moi ce que tu manges et je te dirai ce que tu es


Rôti de veau au menu, c’est Nicolas qui invite Angela. On ne se perd pas dans l’originalité d’un plat trop traditionnel : souci de « communication interculturelle ». Car « le comportement à table, l’accueil réservé à la nourriture étrangère, peuvent influer, le cas échéant, sur les relations futures ». Le code alimentaire est un agent de socialisation fondamental.

Ainsi, « se profile en toile de fond, du côté français des stéréotypes alliant la nourriture allemande à l’hyperphagie, à l’excès et aux mœurs peu raffinées […] tandis que l’on associe, du côté allemand, à l’alimentation française un raffinement exagéré ». Quand deux extrêmes se touchent, il y a matière à observer. Dans un cadre étudiant (puisque j’étudie), j’étais amenée à boucler un projet comparant deux 24 décembre dans les deux pays que je présente. L’intégrisme des clichés s’y vérifiait : la profusion alimentaire a laissé aux Français huit heures de dégustation, l’homologue européen s’est suffit de trois Speisen pour cent vingt minutes. Le premier s’attarde au repas quand le deuxième est plus cursif. Pourtant, en 2005, l’obésité touche 9,4% de la populace française et le pourcentage est plus que doublé dans notre pays voisin. Je mise pour cause la soupe grasse et la viande abondante.

« Toute culture est ethnocentrique en son essence puisqu’elle juge les autres toujours sur la toile de son propre système de valeur. » Je m’y colle aussi. Witzenmann Sachsen (je nomme la société) se réjouit du vendredi parce que c’est la fin de la semaine et parce que, passées les huit heures matinales, elle apprécie sa culture nationale. Pause petit déjeuner, je suis polie et j’absorbe ce qui m’est proposé ; je ne suis pas fan de l’escargot et n’oublie pas non plus Forêt Noire et Saucisse de Francfort – qui sont délectables – mais j’ai toutefois du mal à m’adapter au Hackepeter et autre Speckfett et davantage lorsque ma journée est à peine entamée. Tartine de viande crue cuisinée aux oignons et lait caillé aux céréales, je respecte leur appétit. On me proposait, à la même heure de la semaine passée, une viande panée farcie aux oignons et lourde à digérer. Dans un cadre plus privé, on m’offrait un pain noir aux céréales qui asséchait la longueur de mon tube digestif. La fascination est réciproque lorsque notre baguette nationale dégorge de café ou que l’œuf liquide l’imbibe.

La cuisine française se fait une réputation mondiale ; la nouvelle prend de l’âge. Hexagone, Terre d’élection du bien-manger d’où les meilleurs profitent de la Globalisation pour exporter et faire (re)connaître ce qu’ils savent préparer. La chaire animale est aussi prisée : en 2008, Michelin l’ingénieur range l’Allemagne seulement un brin derrière la France. « La gastronomie allemande présente un fort caractère culturel ». Mais quand les sondages sont plus populaires, la dernière disparait : je ne la trouve classée dans aucune enquête.

On a, de la sorte, tous facilité à associer paëlla, pizza et moussaka à un terroir souche. Cliché je m’en fais, la France cuisine la grenouille, l’Allemagne la charcuterie. « Mais il ne suffit pas de connaître les aliments ou les plats de la culture étrangère, encore faut-il apprécier et évaluer leur valeur symbolique ».

Moi j’avale et me fiche des bonnes manières. Moïse voudrait que l’on mange à la sueur de notre front. Celle-ci me donne plus de soif que d'appétit. Il faudrait que la terre entière mange à sa faim, le plaisir est colossal.

Céline

lundi 9 mars 2009

Journal du Monde n°14 : Female Power


Quand on arrive au bureau et qu’une bouteille de bulles siège face au clavier de chacune des travailleuses, le sourire se dresse. Retour un jour plus tôt : c’est la journée internationale (je prêche toujours davantage ce verbe) de la femme et les neuf Bundesländer que formaient la DDR ne la rechignent pas. Les femmes s’y émancipent plus que les autres jours et défilent puis stationnent partout où elles le peuvent. Messieurs, le huit mars ne vous y appartient pas.

Mon week-end bavarois – je visite l’Allemagne – m’amenait de nouveau à débattre, cette fois-ci, du statut de la dame dans nos deux sociétés européennes. Mon interlocuteur, interculturel confirmé (la choune), me confirmait que la Française dirige son ménage quand l’Allemande a moins de pouvoir. Que les bâtiments parisiens sont féminins quand l’architecture allemande se fait trop carrée et masculine. Le secteur automobile n’échappe pas non plus à la règle, même si j’entends et témoigne que le véhicule hexagonal n’est pas franchement fascinant, ou en tous cas moins que celui de nos voisins.

Il me faisait d’ailleurs remarquer que j’étais typique de mon pays et se doutait que je ressemble sur ce point à celle qui m’a faite – je nomme la Mère ; mais que c’est mieux ainsi puisque la Femme s’accorde mieux au rôle de direction que son homologue masculin. Les médias affirment mais on différencie toujours la théorie de la pratique. « Plus que la pilule, le droit à l'avortement ou l'accès au travail, c'est la machine à laver qui a contribué le plus à la libération de la femme » (Osservato Romano – je suis encore plus irréligieuse). Les diffusions expliquaient pourtant que, alors que les entreprises qui, statistiquement, ont les chiffres les moins catastrophiques ont majoritairement un vagin à leur tête, les postes à responsabilités restent occupés à 90% (je n’ai plus l’évaluation exacte et confie ma mémoire) par une paire de couilles qui, c’est prouvé, s’avance toujours à plus de risques. Dans le même sens, les clichés sont vérifiés : à pourcentages égaux, les métiers ménagers sont féminisés. Elles ne représentent que 8,8% des membres des conseils d’administrations et, pour l'embauche allemande, l’utérus dérange puisque qu’il risque de développer le syndrome de la reproduction – entendons que l’enfant né prend du temps et davantage quand le Kindergarten n’existe que trop peu.

« Le féminisme, ce n’est pas seulement des femmes autoritaires ou des mal baisées, c’est aussi des lesbiennes » (Fabrice Eboué, il a gagné la malveillance des Chiennes de Gardes). Je ne suis rien de tout cela et Sacha Guitry pense qu’une vraie femme est avant tout une femme qui n’est pas féministe. Mais il faut prôner l’égalité sans en venir au symétrique du machisme.

Ainsi, quand l’homme est à la guerre, la femme s’insurge. En Allemagne et jusqu’en 1919, on la résume sous quatre K : Kleider - Kirche - Kinder - Küche (vêtements - église - enfants - cuisine). En France, elle ne vote que quand la deuxième grande bataille s’achève. L’émancipation est plus ancienne, Angela Merkel est la femme la plus puissante du Monde et, dans la grammatique goethéenne, c’est le féminin qui l’emporte. Je ne sais pas dans laquelle des deux Nations, mesdames, nous sommes le mieux représentées.

Auf jeden Fall, « la femme sera vraiment l’égal de l’homme le jour où, à un poste important, on désignera une femme incompétente. » (Françoise Giroud, le Monde, 11/03/1983 – déjà).

Céline