mercredi 24 septembre 2008

Journal du Monde n°3 – Deutschekurs auf Deutschesprache



Ich bin müde !

On doit parfois se lever tôt pour aller travailler. La dernière fois, c’était il y a plus de 80 jours : presque le temps de faire le tour du Monde (mais non). La dernière fois, c’était pour parler français.

Aujourd’hui, on m’a imposé cette langue qui n’est pas si laide. Le Français qui estime l’anglais imagine toujours « l’allemand de Hitler » ; mais ce qu’est celui-ci à « celui de Goethe [n’est que] une perversion immonde aux consonances de baffes dans la gueule » (Amélie Nothomb, Biographie de la faim). J’ai entendu celui de Goethe aujourd’hui, avec des gens qui rient et qui se parlent pour échanger. Hitler, lui, ne riait pas, ou alors contre l’humanité entière, ou alors jaune en 45. Et il n’échangeait pas, il infligeait à autrui ses paroles, ses idées et sa moustache.

Admettons que l’allemand n’ait pas la musicalité de l’italien, l’universalité de l’anglais ni, pour certains, la beauté de l’espagnol (chacun son avis). Mais admettons aussi que l’allemand puisse ne pas être désagréable à entendre. Nous ne ferons aucune psychologie possiblement explicative puisque bien des ouvrages s’y sont mis à l’essai – et je les dévore – mais nous nous accorderons tous pour coter Adolph Hitler comme l’un des êtres les plus dérangés que l’Humanité ait pu connaître. Ma « Mitbewohnerin » m’a posé cette question qui m’a quelque peu dérangée : elle me demandait si le je que je suis – pronom que je me permets de généraliser au rang d’étudiant français – avait idée de la séparation Est/Ouest allemande qui avait existée et qui persiste encore. Aber natürlich ! Qui, sauf celui qui n’est pas instruit et pour qui la faute n’est pas toujours personnelle, ose ne pas connaître cette Histoire qui, d’un point de vue de la linguistique, avait amené un Monde à constamment réduire un parler en une bonne efficacité en matière de dressage de chiens.

L’Histoire a ainsi, je crois, amené un peuple à ne pas franchement affectionner la langue germanique. Je trouve le fait dommage mais la pluralité des nationalités que je rencontrais ce jour me faisait sourire. J’étais davantage étonnée de m’apercevoir que le chinois éclatait (encore une fois) tous les records. Il était largement majoritaire en matière d’effectif : il représentait en ce lieu presque 14 % de la masse étrangère, contre moins de 3% pour l’hexagonal. Aber warum kommt der Chinese nach Deutschland? Je viendrai à le lui demander quand je commencerai à saisir son dialecte. Assis autour d’une table, on reconnait le chinois à sa gourde car elle est sophistiquée, à son dictionnaire car il est électronique et on reconnait le chinois à son allemand qui n’en est pas un ; Raum II 278 ou Babel : à priori, c’est l’allemand que l’on tente tous. Mais j’ai du mal à y croire ; et Dieu multiplia les langues afin que les Hommes ne se comprissent plus. Et les Hommes se dispersèrent. Et les cultures se développèrent. Le Kirghize vouvoie ses parents, le Tchèque achète entre minuit et huit, l’Espagnol a quelques cheveux qui tombent sur la nuque, la présence de l’Egyptien me surprend, l’Ukrainien est polyglotte, le Hongrois oublie le [r], le Finlandais n’a pas froid, le Français se plaint ; et moi, je m’amuse à l’audition du multiculturel. C’est aussi le jeu de l’international où la compréhension mutuelle s’avère difficile ; mais elle me fait plaisir et s’estompera avec les jours. En attendant, il me semble que l’intensivité de l’instruction n’est pas franchement inutile. Et elle est fatiguante : ach so, le verbe me déshérite.

Bis bald

Céline

Journal du Monde n°2 – Première visite au pays de Gambrinus


Ô grand Grambinus, tu n’as pas idée des folies que je serai apte à accomplir pour hériter de ton trône, aussi majestueux soit-il. Et davantage depuis samedi soir.

J’eu effectivement la très charmante surprise d’apprendre que les amis de ma chère collocatrice (faudrait-il, ne serait-ce que par respect du bon habitant, que je retienne enfin son nom) eut été ravis de recevoir une française lors de leur coutumière chope du samedi soir, cette fois-ci dans un coin bavarois : le « Paulaner Biergarten », ou, je traduis, le jardin de la bière de Paula.

Je dis chope mais, semble-t-il, le verbe devient insolent. Soit parce qu’il n’est pas ressortissant de la langue de Goethe, soit parce que son contenu est trop faible, soit les deux.

L'Allemand est paradoxal. Ou contraire à l’idée que je m’en étais faite. Celui que j’ai enfin rencontré boit effectivement dans des verres dont la contenance dépasse largement celle de nos petites bouteillettes. Et les couleurs du breuvage ne sont plus seulement blanche, blonde ou brune : l’allemand mélange sa bière à du cola, à du nectar de banane, il boit de la Schwarzbier (ça veut dire bière noire en allemand et n’a que moins l’allure de la bière en France) et paie sa quantité au moins moitié moins chère qu’à Paris. Mais à côté de son stimulant stationne aussi et presque automatiquement un thé chaud, une soupe aux champignons et/ou des oignons crus.

Par ailleurs, si je vous ai peut-être appris que la bière a son roi, vous n’êtes pas sans savoir qu’elle a sa fête. Et n’êtes pas rare non plus à être désireux d’y concourir. Je viens aux informations : si mes sources sont honnêtes et mes traductions conformes, elle a débuté vendredi (le 19) et tient deux semaines. Aucun autochtone n’a finalement été assez savant pour m’expliquer le pourquoi du « oktober » (de « Oktoberfest » pour les incultes). Mais la majorité m’annonçait qu’elle trouvait ces jours lobotomisant et peu amusants puisque la règle est de commencer le dopage à 9h le matin [ou moins], jusque 9h le soir [ou plus]. Je ne serai certainement plus assez authentique si j’affirmais que tous seriez dérangés de ces présentes lois (je ne vise toujours personne, suivez encore mon regard).

J’attends donc avec hâte de vous faire découvrir ces formidables us et coutumes ; alors à tous bons lecteurs, « willkommen in Deutschland, wenn sie wollen ».

MfG

Céline

Journal du Monde n°1 – Willkommen in Deutschland


Nous sommes le 18 septembre 2008, il est 3h30. Céline n’a dormi qu’une heure et Céline doit se lever (aussi tôt) car son avion s’envole à 6h30. Les vols internationaux – pourquoi plus que les nationaux ? – demandent de stationner à l’aéroport 120 minutes avant le décollage ; la voilà, la raison. Trois vols par jour en partance pour la capitale de nos chers voisins les moins à l’est de l’est européen. Ce n’est pas mal : mes amis, l’Allemagne n’est pas si déserte que cela – que cela quoi ? Que ce que vous me l’avez fait entendre. Car pour (presque) toutes les fois où j’eu la franchise d’annoncer mon prochain départ en Allemagne – de surcroit de l’est – j’eu l’enchantement de m’appercevoir que mes locuteurs n’auraient pas eu la même conviction que moi quant à l’utilité de la décision. Même béate et bien installée, quand j’annoncais à ma collocatrice mon origine parisienne (non, je ne suis pas une mytho, c’est juste que je doute encore de la réputation mondiale d’Emerainville), elle me répondait dans un allemand que je ne saurai traduire qu’approximativement : « pourquoi Zwickau ? tu ne te fais donc pas chier ? ». Ah …

Alors, « pourquoi l’Allemagne ? » A cette question je viens enfin à vous répondre : « et pourquoi pas ? » ; quoiqu’en fait …

Retenez, mes amis les financiers, que, en Allemagne aussi, il peut nous arriver de prendre le taxi. Mais en Allemagne, la carte bancaire est rarement de mise et les distributeurs de billets ne courent pas les rues. Résultat : lorsque le visiteur tombe sur un charmant chauffeur qui ne ferait pas l’effort de parler « langsamer » et qui ne veut pas non plus faire cadeau de quelques centimes à son chaland, celui-ci se retrouve à devoir faire le tour d’une ville qui n’est que la capitale – en taxi, forcément – pour trouver les centimes et les euros supplémentaires. Le chaland aurait bien pu prendre le métro, puisque ce dernier existe, mais une nuit sans repos, quatre bagages pour deux mains et l’orteil ensanglanté méritent bien le prix requis.

Arrivée à bon port dans une petite ville qui n’est pas laide, le vrai parisien (je ne vise personne, suivez mon regard) n’a plus que faire de son sourire à l’envers, de son cosmos où le jean se porte serré et où les poils sont inacceptés. A Zwickau, le peuple est convenable et porte bien le crin sous l’aisselle.

A Zwickau, aussi, le poil garde forme grâce au marché bio : hors du commun le supermarché qui nous devient si agréable lorsque l’on n’a plus d’autres choix que d’aller chez le primeur pour acheter ses fruits (bio), à la droguerie pour manger des pates (bio) ou encore chez le charcutier pour choisir sa viande (bio?).

A Zwickau encore, on parle allemand. Parfois même survient un accent qui n’est pas moins difficile à comprendre que le québécois pour un sincère gaulois. Alors quand tu n’as fait qu’un peu d’allemand à l’école – française de surcroît – tu imagines que tu ne serais pas mécontent d’articuler ou au moins d’entendre d’autres syllabes que tu veux faire ressembler à des phrases et qui sont « Ich-ha-be-nicht-ver-stan-den » (sourire, toujours).

Finalement, quand on arrive dans un univers comme celui qui vient d’être décrit, on a forcément envie de prendre contact avec le monde que l’on connaît. Mais quand on est loin de chez soi, ce n’est pas toujours possible. Avoir envie de vite allumer son téléphone pour avoir cette fausse impression d’être moins seul demande parfois des nécessités dont on imagine jamais avoir besoin quand on peut y répondre : chez combien de lecteurs parmi vous le code PUK a-t-il déjà été utile ? Et ce formidable programme qu’est MSN et qui procure ces mêmes impressions n’est pas non plus accessible lorsque la magie d’Internet nécessite une « clé réseau » que le français est inapte à traduire, et davantage lorsque presque tout en Allemagne est fermé le vendredi après-midi.

Enfin … j’dis ça, j’dis rien !

« Mit freundlichen Gruessen »

Céline