mercredi 19 novembre 2008

Journal du Monde n°6 : Heureux, les simples d’esprit ?


Vient un temps où la responsabilité adulte devient obligatoire. Celle à l’image de l’éducateur est-elle forcée ? Je me pose la question quand, à l’image du paternel, je viens à monologuer (parfois sans silence) quand je fais les courses et quand, à celle de la mère, je viens à détailler le centime près. Mais quand bien même, il me semble que l’on garde toujours ses propres habitudes puisque, même quand, ici, la pratique s’y fait rare, je ne puis m’empêcher de trouver chaussure à mon pied ; oublions le sens figuré. J’eu, par ailleurs, la veine d’adorer un breuvage typiquement allemand et pas autre chose car l’infime de son prix me permit de ne pas devoir faire face à la frustration ; notez un tiers d’euro le bon demi-litre. Le doute est inexistant : j’apprécie ! D’ailleurs, le « Heimatweh » que j’avais redouté ne m’atteint pas, ou pas encore ; mais mon départ a maintenant deux mois et on ne m’en avait promis qu’un avant le mal du pays.

C’est que l’ennui se fait (trop) rare. Deux semaines de non repos qui favorisent encore et toujours la rencontre et/ou l’approfondissement dans la connaissance ; et qui éreintent aussi, peut-être. Mais le mal n’est pas là puisque ce ne put qu’être bénéfique pour l’anciennement nouveau parler. Son avancement dépend, je crois, de la facilité mais surtout de la personne. Et je m’efforce au progrès par la communication. Puisque celle-ci n’est pas toujours facile, le sourire – « langage universel de la bonté » - reste la meilleure attaque. Je dis « pas toujours facile » car tu ne peux, malgré tout, pas discuter de tout quand tu n’as pas les mots exacts et que, quand tu passes ton temps à faire la bringue, tu finis par n’avoir plus grand-chose de très captivant à relater. L’intégration dans le pays, paraît-il (et je le crois) se fait non pas seulement par la maitrise du langage local et par la consommation de l’alimentation nationale, mais aussi par l’investissement dans l’actualité du pays d’accueil. Le détail me fait défaut mais il est difficile à accomplir lorsque la télé – que, de toute façon, je n’approuve pas spécialement – est inexistante et que le média papier – savant – est ardu à consulter.

Il n’y a pas qu’avec l’interlocuteur qu’il devient difficile de trouver matière à converser puisque le verbe me déshérite maintenant. Non pas que je sois particulièrement érudite, mais je deviens bientôt dénuée de quelconque intelligence ; ça s’appelle devenir abruti aussi. Certains (je nomme Vian sans le dénoncer) pensent que "mieux vaudrait apprendre à faire l'amour correctement que de s'abrutir sur un livre d'histoire". Les mots ne me rassurent pas franchement puisque j’ai la belle impression que le savoir est indispensable quand il s’agit de faire l’amour. Au sens étymologique, ça s’appelle effectivement fabriquer un agréable sentiment ; et la connerie n’attire pas l’Homme intelligent, ou alors il la baise.

Je profite plus que jamais et m’amuse tout de même. Mais la ressource devient nécessaire. J’étais à Karlsbad. Je pars à Stockholm.

Céline